Archives du sériographe

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Archives du sériographe

Notes pour une archéologie du signifiant fr série

Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

    Citations et morceaux choisis

    Irpli
    Irpli
    seriata


    Nombre de messages : 2501
    série topographique : Series-City
    Date d'inscription : 16/12/2004

    Citations et morceaux choisis Empty Citations et morceaux choisis

    Message  Irpli Jeu 24 Aoû 2023 - 2:52

    "Deux séries d'images se superposaient : d'abord un gouffre noir, peuplé de lueurs nébuleuses, des spires de feu, des explosions émeraude et pourpre. Une clarté éblouissante crevait la verrière et c'était la face d'un globe géant. Je voyais venir vers moi une autre terre avec ses reliefs aigus, avec ses pics engivrés et ses cratères nocturnes.
    Et ces paysages étaient en même temps un chant et une musique."

    Charles Heisenberg, "D'or et de nuit", Librairie des Champs-Elysées, coll. Le masque / Fantastique, 4e de couverture.
    Irpli
    Irpli
    seriata


    Nombre de messages : 2501
    série topographique : Series-City
    Date d'inscription : 16/12/2004

    Citations et morceaux choisis Empty Re: Citations et morceaux choisis

    Message  Irpli Jeu 24 Aoû 2023 - 2:53

    "Vos nuits ne seront plus que des nuits blanches ou de longues séries de cauchemars."

    GJ Arnaud, La tentation, éditions Fleuve noir 1965, p.164
    Irpli
    Irpli
    seriata


    Nombre de messages : 2501
    série topographique : Series-City
    Date d'inscription : 16/12/2004

    Citations et morceaux choisis Empty Re: Citations et morceaux choisis

    Message  Irpli Lun 23 Oct 2023 - 5:17

    La zone spatiale qui dans un système de codage forme une personne unique, peut dans un autre système être un lieu où plusieurs sujets sémiotiques se trouvent en conflit.

    Puisque l'espace sémiotique est sillonné de nombreuses frontières, chaque message qui s'y déplace doit être fréquemment traduit et transformé, de sorte que le processus générateur de nouvelles informations fait boule de neige.

    La fonction de toute frontière, de toute pellicule (depuis la membrane de la cellule vivante jusqu'à la biosphère, qui selon Vernadsky est semblable à une membrane recouvrant notre planète, et jusqu'à la frontière de la sémiosphère) est de contrôler, de filtrer et d'adapter ce qui est externe à ce qui est interne. Cette fonction invariante est réalisée de différentes manières sur différents niveaux. Pour ce qui concerne la sémiosphère elle implique une séparation entre « mon bien» et « celui d'un autre », le filtrage de ce qui vient du dehors, qui est traité comme un texte appartenant à un langage différent, et la traduction de ce texte dans mon propre langage. De cette manière l'espace externe devient structuré.

    Lorsque la sémiosphère comporte des caractéristiques territoriales réelles, la frontière est spatiale au sens littéral du terme. L'isomorphisme entre les différents types d'établissements humains - des campements archaïques aux cités idéales dessinées à la Renaissance et à l'époque des Lumières - et les conceptions liées à la structure du cosmos, a souvent été mis en exergue. Ce qui explique la tendance humaine à placer les bâtiments culturels et administratifs les plus importants au centre des villes. Les groupes sociaux considérés comme inférieurs se trouvent relégués à la périphérie. Ceux qui se situent en-deçà de toute valeur sociale sont relégués aux frontières de la banlieue (l'étymologie du mot russe pour la banlieue, « predmeste », signifie "avant la place", c'est-à-dire avant la ville, sur ses frontières). Ce principe appliqué à une échelle de valeurs verticale produit ces zones domestiques "extérieures" que sont les greniers et les caves, et dans la ville moderne, le métro. Si le centre de la vie « normale» est l'appartement, alors l'espace frontalier entre la maison et la non­maison est constitué par la cage d'escalier et l'entrée. Et ce sont bien les espaces que les groupes sociaux marginalisés font « leurs» : les sans-abri, les toxicomanes, les jeunes gens. D'autres zones frontalières sont des lieux publics tels que les stades et les cimetières. Un changement important se produit dans les normes de comportement établies lorsque l'on se déplace de la frontière vers le centre.

    Cependant, certains éléments sont toujours situés à ['extérieur. Si le monde intérieur reproduit le cosmos, alors ce qui est de l'autre côté représente le chaos, l'anti-monde, un espace chtonien amorphe, habité par des monstres, des puissances infernales ou leurs assistants humains. A la campagne le sorcier, le meunier et (parfois) le menuisier doivent vivre à l'extérieur du village, de même que te bourreau dans une ville médiévale. L'espace « normal» n'est pas doté de frontières uniquement géographiques, mais aussi temporelles. Le temps nocturne réside au-delà de la frontière. C'est la nuit que l'on rend visite au sorcier, si celui-ci l'exige. Le voleur vit dans cet anti-espace : sa demeure est la forêt (l'anti-demeure), son soleil est la lune (le « soleil des voleurs» dans un proverbe russe), il parle un anti-langage, son comportement est un anti-comportement (il siffle bruyamment, jure avec indécence), il dort quand les autres travaillent, commet des larcins quand les autres dorment, etc.
    Le « monde de la nuit» citadin réside lui aussi à la frontière de l'espace culturel, ou au-delà. Ce monde travesti présuppose un anti-comportement.

    Nous avons déjà évoqué le processus par lequel la périphérie de la culture se déplace vers le centre, et le ceritre est repoussé vers la périphérie. La force de ces courants opposés, est plus forte encore entre le centre et "la périphérie de la périphérie", la zone frontalière de la culture. Après la Révolution de 1917 en Russie, ce processus s'est directement manifesté sous de multiples formes et structures: les pauvres bougres des faubourgs se sont massivement rendus dans les "appartements des bourgeois" dont ils ont expulsé ou tué les occupants pour s'installer à leur place. Un sens symbolique animait également le transfert dans un espace appartenant à la classe ouvnere, des magnifiques grilles de fer forgé qui avant la Révolution entouraient les jardins royaux du Palais d'Hiver, à Petrograd. Elles furent installées autour d'une place, tandis que le jardin du tsar était laissé sans grillage, « ouvert ». Une idée récurrente apparaissait dans les plans utopiques dessinés au début des années 1920, dans le but de concevoir la ville socialiste du futur: le centre de la ville devait être occupé par une usine géante « à la place des palais et des églises. »

    En ce sens, le transfert de sa capitale à Saint Petersbourg effectué par Pierre Le Grand constituait un déplacement typique en direction de la frontière. Le déplacement du centre politico­administratif vers la frontière géographique de la Russie était en même temps un transfert de la frontière vers le centre idéologique et politique de l'Etat. Les plans pan-slavistes antérieurs, consistant à déplacer la capitale vers Constantinople, impliquaient de déplacer la capitale au-delà de ses frontières réelles.

    Une évolution similaire de l'espace frontalier au centre peut être observée dans les normes de comportement, de langage, de style de vêtements, etc. Considérons le jean par exemple: ce qui jadis fut le vêtement de travail destiné à des personnes effectuant un travail physique devint le vêtement de la jeunesse, ce dans la mesure où les jeunes gens rejetaient la culture centrale du XXème siècle et voyaient leur idéal dans la culture périphérique; par'ïa suite le jean s'étendit à l'intégralité du domaine culturel, devint neutre, c'est-à-dire « commun à tous », ce qui est le trait le plus important du système sémiotique central. La périphérie est brillamment colorée et définie, tandis que le noyau est "normal", c'est-à-dire dépourvu de couleur et d'odeur: il « existe» simplement. Ainsi la victoire d'un système sémiotique implique-t-elle son déplacement vers le centre et son inévitable "décoloration". Nous pouvons comparer ceci avec avec le cycle " usuel" du vieillissement : le jeune rebelle devient avec les années un homme respectable, passant d'une « coloration» provocante à la sobriété.

    Dans les espaces frontaliers les processus sémiotiques se trouvent intensifiés, parce que de constantes invasions de l'extérieur y ont lieu. La frontière, ainsi que nous l'avons déjà souligné, est ambivalente, et l'un de ses côtés est toujours tourné vers l'extérieur. La frontière est en outre le domaine du bilinguisme, qui trouve son expression directe dans la pratique langagière des habitants des zones frontalières, entre deux aires culturelles. Puisque la frontière fait nécessairement partie de la sémiosphère et qu'il ne peut y avoir de "nous" si "eux " n'existent pas, une culture ne crée pas seulement son propre type d'organisation interne, mais aussi son propre mode de « désorganisation •• externe. En ce sens nous pouvons dire que le « barbare •• est créé par la civilisation, et qu'il a besoin d'elle autant que celle-ci a besoin de lui. Le bord extrême de la sémiosphère est un lieu de dialogue incessant. Il importe peu qu'une culture donnée considère le « barbare" comme un sauveur ou un ennemi, son influence comme saine et morale ou bien perverse : elle a affaire à une construction faite de sa propre image inversée. Il était hautement probable, par exemple, que la société positive et rationnelle du XIXème siècle européen engendrerait le ~oncept du « sauvage pré-logique ", ou du sub­conscient irrationnel, incarnant l'anti-sphère qui se tient au-delà de l'espace culturel rationnel

    Puisqu'en réalité aucune sémiosphère ne se trouve immergée dans un espace amorphe, "sauvage", et que chacune d'entre elles se trouve en contact avec d'autres qui ont leur organisation propre (bien qu'aux yeux de la première elles puissent sembler inorganisées), un processus d'échange constant est à l'œuvre, la recherche d'un langage commun, une koïne; de sorte qu'à partir de systèmes sémiotiques créolisés de nouvelles sémiosphères voient le jour. Même pour se déclarer là guerre il faut parler un langage commun. Il est bien connu qu'au cours de la dernière période de l'Histoire romaine des soldats barbares sont montés sur le trône des empereurs romains, et que de nombreux chefs militaires « barbares" ont effectué leur apprentissage dans les légions romaines. Sur les frontières de la Chine, de l'Empire romain, de Byzance, nous constatons la même chose : les réalisations techniques de la civilisation sédentaire passent aux mains des nomades qui les retournent contre leurs inventeurs. Mais ces conflits mènent inévitablement à une égalisation culturelle et à la création d'une nouvelle sémiosphère d'un ordre supérieur, dans laquelle les deux parties peuvent être incluses à égalité.

    Iouri Lotman, "La sémiosphère", trad. Anka Ledenko, PULIM, 1999

    Contenu sponsorisé


    Citations et morceaux choisis Empty Re: Citations et morceaux choisis

    Message  Contenu sponsorisé


      La date/heure actuelle est Mer 8 Mai 2024 - 6:58