Notes et séries

Parfois, tu recherches ce qu'il n'y a pas à rechercher.

Un jour, c'était un tout petit objet. Au bout d'un moment, tu t'es rendu compte que tu ne savais plus du tout ce que tu cherchais, sinon que la chose n'était vraiment pas grosse.

Tu as abandonné, sur le coup. Mais par la suite, tu t'es interrogé. Tu t'es demandé ce que pouvait être ce petit objet qui t'avait semblé si nécessaire, de prime abord ! Puisque tu avais tout interrompu pour le rechercher, assez longuement, avant de te rendre compte que tu ne savais plus du tout de quoi il s'agissait.

De quoi avais-tu eu besoin ? Et quel genre de besoin était-ce, pour s'évanouir avec l'absence de ce qui aurait rendu possible une chose dont on ne sait rien ?

Tu t'es demandé ce que c'était. Tu as repris la chronologie de la journée complète. Les déplacements que tu as effectués. Les activités auxquelles tu t'es livré. As-tu écouté de la musique ? Tu écoutais beaucoup de musique à ce moment.

Mais il y avait aussi beaucoup de moments où tu ne pouvais plus écouter de musique. Après de beaux concerts; ça te semblait un peu ridicule d'allumer la radio ou d'enclencher une cassette audio. Tu voulais sans doute conserver en toi le souvenir vivant d'une musique présente.

Le soir, tu es certainement ressorti. Et tu n'avais plus en tête la chose qui t'avait occupé, un temps indéterminé. Combien de temps as-tu passé à chercher frénétiquement sans même avoir idée de ce que tu recherchais, tu n'y as pas prêté attention, d'abord. Tu t'es posé bien des questions mais pas celle-là.

Tu es ressorti et tu as retrouvé tes amis. Ensemble, vous boiriez un bon whisky en parlant de ce médecin bizarre qui s'était installé chez le voisin et qui buvait le thé. Tu ne pensais presque plus à cette perte abstraite (excessivement abstraite puisque son objet même s'était dissipé et toute la raison d'être de ce qui te liait à lui).

Mais un de tes copains a tourné brusquement la tête et a demandé, avec un rire qui t'a un peu troublé :
- Et toi, Pascal. Tu as fait quoi aujourd'hui ?

A la fenêtre, la nuit s'épaississait. Heureusement, quelqu'un a voulu raconter une anecdote à ce moment. Tu as saisi ton verre pour déguster le whisky, effectivement exceptionnel.

Et à présent, tu chercherais un sens qui eût conduit cette journée ? Tu es entré en guerre contre ta cervelle, ce n'est pas possible autrement.

Soit la phrase :

"Il avait toujours accrochée à son mur une photo du général Jaruzelski en costume noir qu'il gardait dans son portefeuille."

On voit bien que le temps et l'espace ne font qu'un.

- Si Nolte est mort, c'est qu'il a été tué.
- S'il a disparu, c'est qu'il a été séquestré.
- S'il a été séquestré, c'est qu'il est mort.
- S'il est mort, c'est qu'il a disparu.
- S'il a disparu, c'est qu'il a été tué.
- S',il a été tué, c'est qu',il a été tué.
- C'est qu'il est mort.
- Il a disparu parce qu'il a été séquestré.
- Il a été séquestré parce qu'il a été tué ?
- Vous divaguez, Inge. Il a appelé Georg hier !
- Et il a été séquestré parce qu'il est mort ?
- Non, Inge. Non. Vous n'y êtes pas.

Le poème s'entête à tuer.

Une série (c'est-à-dire un dialogue) d'exception.

A. - Dis-lui que je suis morte !
B. - Mais c'est ta fille adoptive.
A. - Si tu ne le fais pas, je lui dirai moi-même.

Qui dit série dit séquence ?

Voire.

- Vous êtes représentant de commerce?
- Non, je cherche Nolte. Monsieur Nolte.
- Herr Nolte ? L'homme qui a disparu ?
- C'est ça. Et il est mort.
- Et il a été tué.
- Oui. C'est malheureux. Et je le cherche.
- Ah oui ? Vous êtes un optimiste, vous ! Ah ah ah! Ah ah ah !
- Bien sûr. Pourquoi ne pas regarder ensemble cette fameuse police d'assurance, en attendant. Elle ne coûte presque rien et ça peut rapporter un gros paquet !

- Vous voyez, là ? Il y a trois fois peut-être.
- Oui. Il y a trois fois peut-être.

Peut-être.

- Et vous ferez quoi pour les législatives ?
- De quoi me parlez-vous ? Il faut absolument que nous retrouvions Nolte.
- Mais... il est mort !
- Eh bien nous chercherons son cadavre.
- S'il a été tué, son corps ne sera pas facile à retrouver.
- En effet.
- Alors, que ferez-vous ?
- Eh bien j'irai voter ! Ce n'est pas ce Nolte qui m'en empêchera non plus.
- Ou son fantôme, ah ah !
- Pourquoi riez-vous ?
- Vous y croyez, vous, aux législatives ?
- Mais de quoi me parlez-vous enfin ?' Qu'avez-vous fait du cadavre ?

Dans le bus.

- Mais enfin, madame ! Cet escabeau ne vous protégera de rien. Et il prend beaucoup de place, comme vous l'avez fiché.
- Oui, mais il lui reste quatre marches.

- Alors la vérité ne sera jamais connue ?
- Jamais. C'est improbable.
- Mais enfin, d'où vous vient ce soudain pessimisme, Gerhard ?
- Je ne suis pas pessimiste. Je crois que la vérité est enterrée avec Nolte.
- Eh bien ! Il faut creuser, creuser...
- Vous avez une pelle, vous ?
- Je peux demander à Ernst.
- On ne retrouvera pas Ernst non plus.
- Ernst ? Mais que... ah !
- Oui.
- Merde.
- De toute façon, il n'avait pas de pelle. Je lui avais demandé de m'en prêter une l'année dernière déjà.

"Le Cantal d" Auvergne correspond au Cantal des monts Himalaya. "

Gérard de Nerval, lettre à Cavé

Il est toujours question d'un dire.

- Alors, messieurs les policiers, vous avez identifié le coupable ?
- Quel coupable ? Vous parlez de Nolte ?
- Je parle de celui... enfin, de celui ou de ceux qui... enfin, de celles et ceux ou de...
- Oui ? Vous avez l'air d'en savoir beaucoup.
- Mais non ! Pas du tout ! Je dis qu'il y a des...
- Des quoi ?
- Des... Des...
- Suivez-nous, Rudolf Schwartz. Nous aimerions vous poser quelques questions.
- Mais non ! Mais non !
- A vrai dire, on ne sait même pas si c'est un meurtre. Il a peut-être disparu, voilà.
- Comme ça ?
- Taisez-vous ! Vous pourriez endosser le crime, ce serait très bien.
- Un crime ? C'est un crime ?
- C'est un meurtre, monsieur Schwartz.
- Un meurtre ?
- Oui. Un meurtre.
- Oh ! Mon dieu ! Un meurtre.
- Vous allez nous suivre, oui ?

La météo maritime, planche de salut de la culture contemporaine.

- Même si nous ne sommes que reflux...
- Ce n'est pas une raison pour disparaître de la sorte.
- Qu'entendez-vous « de la sorte » ?
- Vous en savez beaucoup, Klaus. Dites-nous tout.
- Excusez-moi mais je dois aller voter, là. On se voit tout à l'heure ?
- Peut-être, Klaus. Peut-être. Le temps nous le dira.
- Uh, uh.

- Si Nolte est mort, c'est à cause de ce meurtre.
- S'il a disparu, c'est aussi à cause de ce meurtre.
- Pourtant ce n'est pas le meurtre qui a causé la disparition.
- Est-il possible que ce soit la disparition qui ait au contraire causé le meurtre ?
- C'est Nolte qui a provoqué le meurtre ! Et il a causé sa disparition dans le même mouvement !
- Dans le même mouvement ! Sa perte !
- Nolte s'est perdu ?
- C'est le meurtre qui a causé sa perte ! Sa disparition !
- C'est Nolte qui a provoqué ce meurtre ? Cette disparition ?
- Cette perte !
- Mais qui a perdu quoi ? La vie ? Nolte ?
- Nolte.
- La vie.
- Mais s'il a disparu, on ne sait pas si c'est un meurtre.