Archives du sériographe

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    Petits criminels

    Irpli
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    Petits criminels Empty Petits criminels

    Message  Irpli Lun 13 Fév 2006 - 11:34

    Dans le journal, portraits de petits criminels – qui me font plaisir. « Tendance à fuir la réalité », etc.
    Le petit criminel – ne tue qu'une fois.
    Il n'y aurait pourtant pas de quoi plaisanter, à observer de pareils cas, pareils cas de tels drames.
    Hier en entrant dans la salle de bain je pensais à ces criminels d'un jour, leur absorption par le journal. Le « fait divers » -- fascination pour toute littérature.
    Je m'appelle Georg Heinecke. Ma vie familiale est un enfer. Je tue mon beau-fils. Demain, ce sera un entrefilet dans les gazettes régionales et spécialisées. Dans six, huit mois, j'aurai droit pour l'ouverture de mon procès à des articles de fond, qui rapporteront une étrange version de ma vie familiale, comme un tissu mal cousu fait des témoignages de « proches » (parents, voisins, enquêteurs. Dans un an et demi je serai condamné et la presse dressera un nouveau compte-rendu des mêmes fait pour en offrir une nouvelle synthèse sous l'éclairage définitif de ma condamnation. Je pourrais faire appel, bien sûr. Je ne sais pas si je ferai appel.
    Je délire. Je parlais du journal, de ses portraits de petits criminels. Alimentés par le psychiatre, qui trace un portrait qui est peut-être ce qui porte le plus grand préjudice (bien au-delà des pressions de la presse, qui peut raconter ce qu'elle veut) à la présomption d'innocence, tant les portraits psychiatriques se dessinent à la lumière d'une convictionintime – l'inculpé est ou non coupable. Dès lors, il obéit à ses pulsions, chacune de ses actions répond à telle ou telle tendance. Il a tendance à fuir la réalité. Il nie son meurtre à cause de ça.
    L'inculpé bénéficie donc d'un immense privilège. Tout son ordre de réalité se voit officialisé. Le cercle familial, quand le crime n'est pas familial, garde sa spécificité, mais l'entourage immédiat et un réseau de spécialistes judiciaires et cliiniques sont convoqués pour tenter de résoudre l'énigme sociale qu'est le criminel. Notre inculpé aura le droit de se voir traiter d'abruti par le psychiatre – et ce sera un argument lourd pour la défense : « Vous êtes acquitté, monsieur : nous cherchons un abruti moins profond. » Ou encore : « Votre bêtise et la série entière des malheurs qui ont émaillé votre vie ne vous autorisent pas à tuer les gens. Vingt ans ferme. »
    Une tendance à fuir la réalité. C'est moins humiliant que de se faire traiter d'abruti – à peine pourtant. Et si l'inculpé finit par convaincre le jury de son innocence, on ne l'aura pas moins dépeint devant la société comme quelqu'un qui... Il va falloir réinsérer un qui a tendance à fuir. Parce qu'il y a une discontinuité totale entre l'individu incriminé et celui qui lisant son journal apprend que le « meurtrier présumé » est un qui a « tendance à fuir la réalité ». Mais cette discontinuité est résorbée lorsque le lecteur se voit à son tour impliqué dans une logique de « fait divers », un meurtre dans son entourage a attiré l'attention de la police et de la presse ; les journalistes après les policiers sont venus le voir plusieurs fois.
    Pour la première fois, il voit son nom inscrit dans les colonnes du journal.

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