acte III
Pendant que, Sakury sait comment ! les Tall le laissaient s'échapper après qu'il eut pris part à leur dîner de 12 heures, Souen faisait route vers son village. Souen était un jeune homme à peine plus âgé que Sakury, et un peu plus petit. Vous allez croire que je fais une fixation sur leur taille, mais il faut bien avouer que chez les hommes, la taille ça compte.
Souen, autant vous y faire tout de suite, ce n'est pas le genre à vous raconter sa vie au premier contact, alors rien que pour ça, je ne vois pas pourquoi je ferais moi autrement. Quand on sait tout ce qu'on a vécu ensemble, c'est bien la moindre des choses que je puisse faire de ne pas le trahir dans les plus grandes largeurs. Souen se déplacait dans le but d'éviter que la guerre le rattrape. La province à laquelle le village de Sakury appartenait était la seule des 5 provinces à ne pas être en guerre. Les vieux disaient que les collines et le vent la protégeaient des malheurs. Je ne sais plus si je vous l'ai déjà dit ou pas. Si vous l'apprenez tout juste, ne le prenez pas à cœur, il m'arrive de m'emmêler les fils. Par exemple je me rends compte que je ne vous ai pas touché mot des guerres. C'est maintenant fait. On ne va pas non plus y passer le chapitre.
Souen avait été soldat plus jeune, mais il n'abordait pas facilement ce sujet, à part pour dire que ces conneries suffisaient. "Ces conneries", en parlant de la guerre, leur donne un aspect bon enfant, mais faut pas croire, c'était pas des farces non plus.
En approchant du village, il tomba sur Sakury qui revenait de lui seul sait où ; il n'avait plus ses chèvres, ni son cochon ni son chien.
SOUEN - c'est encore loin Utare ?
SAKURY - bonjour
SOUEN - c'est cela ; c'est encore loin ?
SAKURY - vous y êtes attendu ?
SOUEN - on peut dire ça
SAKURY - je ne vous force pas
SOUEN - j'avais compris ; vous habitez là bas ?
SAKURY - on peut dire ça
Sakury portait à nouveau ses habits habituels ; je me rends bien compte que ce n'est pas très joli à prononcer, mais c'est parfois assez souvent le cas avec ce qui est vrai. On pouvait remarquer plusieurs petites taches de sang sur ses habits, mais pas disposées comme chez un assassin ou un boucher ; là elles laissaient à croire qu'il avait plu du sang, mais sauf votre respect, ce n'est pas possible ou bien alors dans des histoires beaucoup moins sérieuses que celle ci.
SOUEN - vous avez eu des ennuis avec vos vêtements ?
SAKURY - on pourrait se tutoyer, non ?
SOUEN - bien sur... vous êtes d'Utare alors ?
SAKURY - le vent et les collines, ici c'est tout ce qui nous protège... quand on parle aux vieux d'ici de la guerre qui approche, tout ce qu'ils en disent c'est que ça se passe derrière les collines... alors on leur dit "oui, mais ça n'empêche pas de la voir la guerre... on lève la tête et on voit des longues fumées qui grimpent et qui chatouillent le ciel"... tiens regarde là haut, elles chatouillent les nuages même... ça les secoue pas ! ... les vieux je veux dire, ils se secouent pas ! ...la seule chose qui les secoue c'est les Tall... des trucs qui existent même pas !
SOUEN - on est encore loin ?
SAKURY - ... "les fumées ?" ils disent... "les fumées elles viennent jamais jusqu'ici... c'est le vent qui les amène plus loin, là bas... on les sent jamais ici ! dans la province d'Anda on sent jamais ni les cendres ni les cadavres !"
SOUEN - pour aujourd'hui je peux vous dire que c'est raté
SAKURY - hier après midi, tandis que je gardais les chèvres de mon oncle sur la montagne... c'est là que ça a commencé à puer... oh, c'était pas grand chose monsieur Souen, juste un cadavre de bête, mais vous voyez ça s'est pas arrêté là...
SOUEN - vous connaissez mon nom ?
SAKURY - c'est mon oncle qui vous a commandé ici... je sais pas moi ce que vous êtes capable de faire ou pas, mais va falloir m'aider monsieur Souen, ou sinon c'est pas possible...
Ils étaient arrivés à Utare, qui est le village dont je vous ai déjà parlé. On devrait dans la littérature, pas avoir le droit de décrire toutes les choses les plus sales et moches avec toujours plus de métaphores que s'il s'agissait de la vérité ; presque pour donner envie d'y être. Parce que moi là, à essayer de vous décrire ce que Souen découvrait avec des mots, je me rends bien compte que c'est pas jouable. C'est d'ailleurs bien ce qu'il devait se dire, le Souen. C'est quand on a vu les pires horreurs, qu'on les tient vraiment pour dégueulasses. Tant qu'on y a pas goûté, on a toujours un brin d'appétit. Il n'y a qu'avant de monter en selle que vous éprouvez des picotements... des effusions confuses dans votres esprit... que vous avez hâte ! dès après le premier tour de manège... tout ce qui vous tarde c'est de plus rien savoir du tout.
En voyant le village réduit moins qu'à néant, Souen fut pris de maux de ventre terribles. Je ne sais pas ce qui a poussé nos ancêtres à croire que l'âme se loge dans la tête, mais quand on y regarde de plus près, ce qu'il y a de plus sensible chez un homme, à part ce dont vous m'excuserez de ne faire mention, c'est sans doute le ventre.
SAKURY - Tu vois Souen, dit Sakury en lui montrant les taches qui ornaient ses vêtements, comme tous les jours une brise se lève sur la province d'Anda, une brise légère mais ferme... aujourd'hui c'est une brise de sang
Ses joues se mouillaient de sel et d'hémoglobine.