Guillaume rapporte cette réflexion de Pierre Cahné :
Au sens où une langue instituée est une solution à un problème de représentation, un système de valeurs est une forme qui permet à une culture de s'organiser, par un ensemble complexe d'interdits, d'incitations, de justifications, un moment historique. Au sens où une langue instituée modifie le point de vue à partir duquel la structure a été inventée, et donc appelle une nouvelle organisation du même, un système de valeurs aide à construire un monde qui exigera un nouveau système de valeurs pour poursuivre la même histoire de la maîtrise des choses.
À la destruction de la langue instituée correspond, dans le monde des valeurs, le temps de la négation, du nihilisme.
Dans l'analyse de Guillaume, comme dans celle de Nietzsche, c'est une cause immanente qui commande l'histoire des valeurs, comme l'histoire des systèmes linguistiques, et qui est une tension incessante vers un dépassement du point de puissance et d'efficacité atteints.
L'efficacité en critique littéraire du concept est de permettre de concevoir tout moment dans la métamorphose de récits fondateurs comme un instant destiné à sa propre négation dans l'histoire des formes littéraires. L'Esprit construit dans ses oeuvres non seulement une image de sa situation dans le monde, mais aussi les conditions du renouvellement de cette image, puisque celle-ci devient le lieu où le même problème est reposé, à un autre niveau.
La thèse de Guillaume donne une assise, trouvée dans l'histoire de la langue, à une thèse controversée, mais puissante, de l'histoire littéraire: le dialogue essentiel d'un écrivain n'est pas celui qu'il entretient avec son moment historique, mais avec les oeuvres antérieures qui l'ont construit, contre lesquelles il s'est construit, non au sens de la réactivité, mais au sens où une construction trouve son assise au contact de ses fondements.
Pierre Cahné Paris IV