Irpli Mar 4 Jan 2011 - 5:30
Quelques poèmes du Récit ruisselant (1992).
Nous fissurions de graves ciels
Mais eux aussi, s'enluminaient
Alors nous n'avions guère le choix
Avant que d'atteindre à n'importe
quelle rive, il nous faudrait escalader
bris après bris sa vulnérable ridation,
Et la revêtir d'épaisses jachères
Nos sols d'hiver : parvient-on à
creuser, ou faut-il que l'on plonge
Il n'y paraît qu'aire, air, ère
*
Revenez, giboulées !
Nous n’avons pas encore parlé de cet écueil
qui vous transperce, qui vous ruine
et moi je sue si froidement.
Risible conte du matin
qui plie ma cuiller de fenêtre
fendue sous la grêle
qui me parle, qui me parle
Or sous le ciel qui concasse mes pieds
un ogre de gelure me mange !
Ce que j’avais d’intestins
je l’ai vendu au mauvais temps.
Perdras-tu ta froideur, amour
quand je serai plus mort
que toi, solide pluie,
-- j’agirai de mon treuil.
Tomber, tomber, c’est la rosée
mais c’est la pluie, les giboulées
c’est toujours notre triste temps :
nos regards sont de neige pour pleurer.
*
Quant à la forme, je la vois vaguement ronde,
avec d'épars jaillissements.
Parce que la rondeur est le sein
Et le sein la seule chose qu'on désire
Comme un rire peut cacher le vœux unique
Il y aura des rires, de plus en plus nombreux
vers le milieu
Des rires qui formeront des courbes
Distinctes et indistinctes
De ce cercle excentré ; d'autres qui le traverseront
Et le déstabiliseront
Des droites vives et rivales, des éclats
Car le poème n'a pas nulle autre forme que dans
les éclats
Confus de la réalité
Différenciée par la diversité de ses engendrements
La plaie déportée vers l'oralité de la causalité --
*
Des rubans, des fauteuils, des serpents
où je mords
et un dé, d'une odeur de lavande
j'y couds
les lézards sur les murs
et la jute à la mer.
Au reflet de mes voiles -- mais ce n'est qu'un avortement
- voiles tissées d'arachnée -
j'achèterai parfois des chemins pour m'y voir
élégant, débusqué, d'un hasard aux saignées belliqueuses.
Avec ton lieu, ses recoins sombres,
suprême vendeur,
je fournirai en confortables cimes
la durée de tes travaux,
sédiments précieux plomb pour me sauvegarder.
Je ne suis qu'un entremetteur
tout juste destiné ---
*
Tu ne sais ce qui appartient à la fumée
à la buée, huée
au souffle, au vent
Tout était question de couleur
Je suis la toile désignée,
non avérée
Or il m'appartient de te dire... ce qui existait
Une promesse carrelée, propice à être l'ombre
du transfert qui te surprit
Car je ne croyais pas - et tu ne verrais pas
non...
plus -
Que tu étais partie de moi-même
*
Vous, qui connaitriez le nom de cette falaise
pour le lui avoir abdiqué
Et qui n'avez jamais perdu de votre regard
le vent
Vous, que je ne voyais dormir qu'à demi
Sous un arbre, au soleil
sans lumière
Et ce fade sourire d'heureux
gamin qui court, avec tous ces yeux clos
étouffants pour seule aile...
Je me meurs, et vous ne faites rien
Vous avez bu ma plaine, enterré ma prière
Et gémi, basculant : vos genoux m'ont frôlé
Je réfute la cime à mon tour
Existez devant moi, un moment
Je vous plains, puis m'endors
à mon tour