Notes et séries

- Le corps, ce n'etait pas un corps. C'était déjà un évanouissement de corps. Il avait disparu. Il était là mais il avait disparu.
- Tu as bu, Inge ?

- Mais celui qui est mort, c'est bien Nolte ? Ou...
- Il y a plusieurs morts, à présent. Vous allez bien ?
- Pourquoi me posez-vous cette question ? Où est Inge ?

- C'est le corps ?
- Non, ce n'était pas le corps. C'est une flaque.
- C'est Nolte ?
- Nolte n'était pas une flaque. Mais c'est peut-être Nolte.
- A cause du chapeau ?
- Ce n'est pas un chapeau. C'est une écharpe.
- C'est un indice, non ?
- C'est peut-être un indice. Rien ne prouve que cette écharpe ait appartenu à Nolte cependant.
- Rien ne prouve rien ! Et cette écharpe, quel chapeau tout de même !
- Vous voulez dire qu'un objet = x de la réalité = R aurait été falsifié (égale f barré) ?
- Non, vous ne comprenez pas. La cuisine est par là, c'est bien ça ?
- Je ne crois pas qu'il y ait de réchaud. Il n'y a pas de réfrigérateur. On l'a subtilisé.
- Subtilisé ? C'est drôle.
- Pourquoi dites-vous ça ?

Eloigner la compréhension, comme une lampe trop stridente.

- Nolte était quelqu'un d'organisé et de méthodique. Il n'aurait jamais perdu un oeil tout seul.
- On l'a aidé !
- Un meurtre ? On l'a tué en lui sifflant un oeil ? C'est bizarre.
- Vos témoins sont des drôles. Aucun ne parle allemand. Et plusieurs sont déjà morts.
- Accidentellement. L'un est tombé d'une falaise...
- Ce n'était pas un arbre ?
- Mon oeil ! C'était un océan. Il est tombé.
- L'océan était raide ?
- Les vagues en secouaient des branches isolées. Ce paysage n'est que ressacs.
- Et Nolte ?
- Il a perdu un oeil. Et il est mort. Et même le corps a disparu.
- Le corps, le corps... Vous êtes bien sûr qu'il y avait un corps ?
- C'est évident. Nolte était un...
- Un quoi ?
- Eh bien, c'est étrange... Je ne retrouve pas le mot. Vous êtes sujet au vertige ?
- Vous nous menez en bateau, là.
- Où est Inge ?

Dire, en anglais, se dit d'ailleurs.

- Vous parlez bien de Nolte ?
- Oui. Nous parlons de Nolte.
- Nous parlons bien de Nolte. Pourquoi ?
- Mais il est mort. non ?
: Oui. Et il a disparu.
- Il a disparu ? Mais où est le corps ?
- C'est un problème. Il avait disparu avant.
- Merde.
- Oui. Et ce n'est pas tout.
- Ah non ?
- Oui.
- Ah.

- On est dans l'impasse.
- Dans l'impasse ?
- Oui. Dans l'impasse.
- L'impasse où il est mort ?
- Il est mort dans une impasse ?
- Nolte est mort ?
- Oui. Il est mort. Mais le corps...
- Il était dans l'impasse ?
- Et l'arbre ? Je veux dire... la falaise ?
- Vous délirez, Gerhard. Nous sommes dans l'impasse.
- Mais c'est une impasse sérielle, Horst. Vous ne voyez donc pas ?
- Non.
- Quelle heure est-il ?

Gloire du marteau-piqueur, le sol.

- Et voilà le printemps !
- Que voulez-vous dire ?
- Mais rien enfin ! Je ne parle de rien.
- Vous êtes peut-être Nolte ?
- L'homme qui a disparu ? Je ne...
- Au secours ! Au secours !

- Nous sommes déjà venus ici, non ?
- Je ne crois pas, non.

- C'est quoi, ça ?
- Une silhouette. On a pensé que la victime était tombée, là.
- Là ?
- Oui. Là ?
- Mais il y a une autre silhouette ici.
- Oui.
- Ils étaient deux ?
- Non. On a pensé que la victime était tombée à cet endroit aussi.
- Et au mur ? Il a rasé les murs ?
- Peut-être, oui. Peut-être ?
- Vous avez un crayon ?
- Qu'allez-vous faire ?
- Je crois que l'homme portait une cravate. Il faut la dessiner aussi, non ?

- Ce n'est pas possible.
- Et pourtant...
- Non, enfin. Si Nolte est mort, il n'a pas pu disparaître.
- Je voudrais bien, moi !
- Et vous me dites que c'est un meurtre ?
- Je vous répète ce qu'on m'a dit.
- On vous a dit que c'était un meurtre ?
- Une disparition, oui.
- Et où est la victime ?

- Mais la réalité est peut-être plus compliquée que cela, non ?
-Peut-être. Mais dites-moi, au fait...
- Oui ?
- Vous savez ce qui est arrivé à Nolte ?
- ...
-'Je vous parle, Vengler !
- Je sais, je sais...

Le mépris de ce qui n'existe pas est la chose la plus insupportable du monde.

- C'est une vertèbre de serpent ?
- Non, c'est la stèle qui bourgeonne.
- Ah bon.
- Oui.
- Mais ce n'est pas Nolte ?
- Non. Ce n'est pas Nolte. Et ce n'est pas son voisin non plus.
- Il avait un voisin ?
- Il en avait plusieurs, oui.
- Ah bon.

Le passé est névralgique et le futur épidermique.

Toute la matinée, il avait eu le boyau de la rigolade en l'air.

- Je suis un sanguin, moi. Je suis sanguin... surtout au jeu, ah ah !

A dix heures quarante-neuf minutes, une mauvaise balle lui trouait la poitrine.

Je pense à toi, mon camarade.

- Vous avez vu le corps de Nolte ?
- Le corps de Nolte ? Vous plaisantez, j'espère !
- Non. Pourquoi dites-vous cela ?
- Il était nu. Comment aurais-je pu le voir ?

- Mais où peut-il bien être ?
- Près de cet arbre falaise, certainement.
- Mais quand cesserez-vous diable de tout multiplier, Werner ?

- Si c'est vrai, cela veut dire que Dieter est devenu fou.
- Fou ? Vous le pensez vraiment ?
- Cela remettrait en question tout le dossier, Werner. Tout le dossier. Et Inge ?
- Elle est partie avec Nolte, il paraît.
- Nolte ? C'est bizarre.
- Bizarre ? Pourquoi le pensez-vous ?
- Cela veut dire que Dieter est réellement devenu fou.

Comme son chien aboie, le maître s'indigne :
- Ouah ! Ouah ! Ouah ! Ouah !

Les gens préfèrent parfois changer tous les mots d'une phrase que de bouger une virgule. C'est curieux comme le psychisme investit la virgule, au point d'empêcher de penser !

- Avec Nolte, tout est toujours très clair.
- Oui. Il est mort.
- C'est clair.
- On l',a tué. C'est un meurtre.
- C'est très clair !
- Mais il a disparu. Et ca, c'est déjà moins clair.
- Pourquoi ? Vous savez où il est ?

- Nous ne serons pas d'accord.
- Alors que me voul... argh !
- Et non. Il fallait dire : Couirc.

- Vous avez vu cette valise ?
- Oui.
- Elle n'a pas de poignée.
- Non.
- C'est une preuve, non ?
- Une preuve de quoi ?
- Eh bien... Je ne sais pas. Mais on ne fait pas voyager une valise sans poignée.
- Et alors ? Nolte ne voyageait pas.
- Lui, non ! Mais son assassin ?

- Le monde est mort et il faut le ressusciter.
- Et vous comptez sur Nolte ?
- Uh, uh.
- ,Vous êtes bien barré, vous.

- Sur la plage à Dunkerque ?
- A Malo les Bains, précisément.
- Vous vous moquez de moi ? Nolte n'était pas un comique.
- Et puis il vivait à Munich. Il ne sortait que rarement de chez lui.
- Il aura pris le train ?
- Quelqu'un l'a peut-être vu à la gare de l'Est ou bien...
- Dans l'escalier qui conduit à la gare du Nord ?
- Vous êtes fous ? Personne ne connaît Nolte, là-bas ?
- Et vous ? On vous connaît, peut-être ?
- C'est quoi cet escalier ?

Ce politicien sévère prit une inspiration profonde et proféra lentement :
- Il nous faudra...
Dans le public, un jeune homme se leva :
- De lit, monsieur le député !
- Comment ? Que dites-vous ?
- Faudra... de lit, ah ah ! Comme des faux draps de lit, quoi.
Dès lors, le député renonça à son projet de coup d'Etat. Mais la terre trembla et le pays fut entièrement détruit par la tectonique des plaques.

Dans l'après-midi, sur l'avenue Poussin, deux hommes attendent le bus.
Ils ne se connaissent pas. L'atmosphère de la ville est tendue (il y a eu des chutes de minitels dans les rues). L'un des deux hommes, assis, fait manifestement semblant de lire.
L'autre tente réellement de décrypter le cadran de sa montre sans parvenir à lire l'heure.
L'homme assis lève brusquement la tête et demande à voix haute :
- Hé ! Gars ! Tu n'aurais pas un marque-page.
Et son voisin, après s'être gratté la tête un bon moment, de fouiller dans ses poches et de répondre :
- Voilà une éponge, mon brave ! Prenez-en soin.